L’approche écologique du cycle de vie des aéronefs s’impose désormais à toutes les entreprises du domaine de l’aérospatiale. Dès la conception des appareils, les grands donneurs d’ordres et leurs soustraitants ont de bonnes raisons d’innover en minimisant leur empreinte environnementale.
1. Respecter l’environnement, sinon… rien
L’industrie aérospatiale ne peut se soustraire à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES). « L’aéronautique représente 2% de la production de GES au niveau mondial », souligne Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal. «Avec un trafic aérien en hausse de 5% par an, on ne peut pas rester sans rien faire.»
Le chef de file de l’industrie aérospatiale québécoise partage cet avis. « Nous ne pouvons pas continuer à nous développer, comme société, sans tenir compte de notre impact sur l’environnement », martèle Kahina Oudjehani, leader en écoconception chez Bombardier Aéronautique. «Le développement durable, ça ne signifie pas qu’on arrête de se développer, mais cela veut dire qu’on travaille sur la manière de se développer de manière intelligente en minimisant l’impact sur l’environnement.» Et si des entreprises croient pouvoir garder les bras croisés sur la question environnementale, les réglementations les feront plier, tôt ou tard. «Les États-Unis et l’Europe ont mis en place des normes qui font que certains avions ne pourront même pas voler dans leurs cieux s’ils ne respectent pas ces normes », explique Suzanne Benoit.
2. Renforcer la compétitivité de Montréal
Aéro Montréal compte sur la valorisation des pièces d’occasion pour donner encore davantage d’envergure mondiale à la région métropolitaine.
«Nous envisageons de créer une sous-grappe dédiée au recyclage d’avions, affirme Suzanne Benoit. Un des enjeux est d’avoir suffisamment de matières à recycler. Mais nous pourrions peut-être nous associer avec d’autres secteurs», ajoute-t-elle, tout en précisant qu’Aéro Montréal n’a pas encore établi de contacts avec de tels partenaires potentiels.
Cette sous-grappe permettrait de créer un effet d’entraînement chez les sous-traitants, croit Mme Benoit. «Les PME doivent prendre en compte l’impact environnemental si elles veulent rester compétitives», assure-telle. L’enjeu est de taille : «À long terme, les entreprises incapables de se conformer aux normes des donneurs d’ordres ne pourront plus être leurs fournisseurs.»
3. Des premiers résultats convaincants
La nouvelle gamme d’avions de ligne régionaux CSeries de Bombardier a une empreinte écologique quatre fois moindre que des avions comparables, se félicite Kahina Oudjehani. Et le constructeur québécois est parvenu à rédui re de 20% les émissions de GES des CSeries en utilisant des alliages ultralégers dans le fuselage.
Même la peinture a été choisie en fonction de critères minimisant la quantité de produits chimiques qu’el le contenait, assure Mme Oudjehani.
Enfin, les nouvelles technologies ont été mises à contribution pour générer des gains écologiques et économiques. Équipés d’un guidage GPS perfectionné, les CSeries pourront emprunter des routes plus directes, en traversant des zones non couvertes par les radars… ce qui occasionnera une consommation moindre de carburant.
4. Donner une meilleure image
Bombardier Aéronautique projette de publier une déclaration environnementale de produit pour sa gamme CSeries. « Ce document résumera tout l’impact environnemental de l’avion en utilisant l’analyse du cycle de vie », explique Mme Oudjehani. La division Transport du manufacturier québécois édite déjà une telle déclaration pour ses trains, qui peut être consultée sur son site internet.
Pour cette initiative, Bombardier Aéronautique a dû convaincre tous ses fournisseurs de s’engager dans la démarche. C’est ainsi que le constructeur aéronautique a pu diminuer les quantités d’énergie et d’eau utilisées dans la construction de l’avion. Des produits chimiques indésirables ont été repérés, puis éliminés graduellement.
5. Des objectifs élevés à atteindre
Les constructeurs aéronautiques se sont donné des objectifs environnementaux ambitieux pour les prochaines années. Quand Boeing et Airbus ont commencé à réfléchir à la question du recyclage, seulement 50% des pièces étaient recyclables, note Hany Moustapha, directeur d’AÉ- ROÉTS, organe aérospatial de l’École de technologie supérieure (ÉTS).
«Aujourd’hui, on peut arriver à recycler de 70 à 80% des pièces d’un avion en utilisant les vieilles technologies », assure Mme Oudjehani. «Chez Bombardier, nous voulons aller chercher le 100 %. Et nous ne comptons pas seulement transformer le métal en canettes de soda ! Nous voulons remettre des pièces détachées sur le marché.»
Pour parvenir à de tels résultats, les avionneurs doivent intégrer leur vision à leur processus de production dès la conception des avions, afin de prévoir la valorisation des pièces quand l’aéronef arrive en fin de vie.
Source : la presse.ca